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Vaincre le syndrome des bleus

jeudi, 12 août, 2010

L’équipe de France de Football traverse la pire tragédie de son histoire lors du mondial 2010. Ce qui aurait pu n’être qu’une simple péripétie prend sous le feu des media la dimension dramatique « l’affaire des bleus » pour secouer la nation toute entière jusqu’à son gouvernement. Il offre désormais un des meilleurs « business case » pour les écoles de Management. Nous allons tenter de décoder où se situe la responsabilité d’un tel désastre et quelques  enseignements en termes de management.

Rappel des faits

Au terme d’une qualification médiocre et sans jamais démontrer de succès, l’équipe de France de Football se qualifie sur un malentendu désastreux par la main de Henry au détriment des vaillants Irlandais. Attendue au coin du bois, l’équipe de France qui franchit le barrage sans convaincre fait l’objet de critiques sévères sur chacun  de ses gestes. Le premier matche (nul) s’avère peu convaincant. L’échec l’entraine de charybde en Scylla. A la mi temps du second match du premier tour contre l’Uruguay, face à la même situation d’échec, une discussion enflamme le vestiaire. Le bouc émissaire pointé du doigt se rebelle et un judas porte les propos dans le domaine public. Dès lors le psychodrame explose et stigmatise la rébellion du groupe. Conduit par quelques leaders, les bleus refusent les décisions d’autorité de l’exclusion de leur camarade et refusent de s’entrainer pour le troisième match. Les médias alimentent avec délectation le ridicule de la situation et se font les chantres du psychodrame qui humilie la nation entière. Le système se renforce dans le triangle de Karpman ; Les média jouent le rôle du bourreau, les joueurs s’enferment dans la posture de victimes et l’entraineur dans le rôle vain du sauveur. Qui de la poule ou l’œuf porte la responsabilité de cette humiliation ?

Pas d’autorité sans pouvoir légitime

A l’issue d’un précédent mondial en demi teinte et de l’Euro 2006 peu convaincant, le comité de Direction de la fédération persiste à soutenir un sélectionneur qui n’avait pas fait la preuve de son efficacité. Elle assoit un homme sans autorité naturelle. Il ne peut y avoir de véritable autorité sans que le leader exprime par son charisme la capacité de fédérer le groupe. Le comité directeur porte la lourde responsabilité des conséquences.

Pas de légitimité sans  méthode

Si le leadership n’a jamais été reconnu par les membres de l’équipe, le système de jeu (sa stratégie), a été constamment mouvant au fil des échecs successifs, et jamais très clair pour le groupe.

Le leader est choisi pour ses qualités charismatiques, mais il sait construire une stratégie adaptée et performante. C’est par sa vision qu’il va conduire le groupe. Elle doit s’avérée consistante et s’inscrire pour au moins 3 ans.

Pas de méthode sans discipline

La stratégie est déclinée sous formes tactiques. Le leader coordonne tel un chef d’orchestre la partition de chacun des joueurs. Pour se faire chacun doit exécuter scrupuleusement sa partition pour servir l’intérêt du groupe en faisant abstraction de son ego. Cela sous entend que chacun soit stabilisé dans son poste pour maîtriser la partition. C’est dans la capacité d’exécuter avec rigueur que la stratégie s’avère payante. Si la qualité intrinsèque du joueur est nécessaire pour sa sélection, c’est par sa capacité à réaliser les combinaisons qu’il est qualifié.

Pas de discipline sans cohésion

Un groupe des 22 joueurs regroupant les meilleurs talents n’est qu’un agrégat. Il ne constitue une équipe qu’au fil du temps, chacun assimilant intuitivement les pratiques mutuelles.

Au fil des matches, les résultats s’avérant régulièrement insatisfaisants, l’entraineur remet en cause le choix des joueurs et son système de jeu. Trois semaines avant l’annonce de la sélection finale, le groupe n’était toujours pas formé. La méthode a renforcé un individualisme forcené au détriment de la dynamique de groupe, chacun devant justifier par ses performances individuelles sa capacité à concourir.

Le système mis en place privilégie les valeurs de mercenariat sensées réunir les meilleurs talents du moment. La sélection a porté le symbole d’une reconnaissance individuelle et non la capacité de travailler en équipe. Les divers interviews des équipiers ont confirmé cette position. Pour la plus part, le port du maillot bleu n’était pas le symbole du porteur des valeurs de la nation mais la reconnaissance de son talent. Le système a inversé la pyramide ; ce n’était plus le joueur qui portait la fierté du drapeau mais la nation qui devait être fier que le joueur accepte de mettre son talent à son service. Cette équipe a logiquement été dépassée par toutes les autres car il lui a manqué le 12ème homme que forme la synergie de la chaîne du groupe.

Pas de cohésion sans confiance

Le syndrome des bleus n’est que la réplication des habitudes commerciales des entreprises cotées en bourse qui se nourrissent de résultats court terme. Certes, la confiance se nourrit de résultats qui galvanisent le groupe, mais l’échéance ne doit pas se situer sur un match, mais sur une échéance de 3 ans. Si au bout de 3 ans les résultats ne sont pas au rendez vous, il faut savoir en tirer les conclusions, accepter un échec collectif et remettre en cause le système dans son entier, car le résultat ne saurait être atteint que sur un malentendu. Dans le cas qui nous préoccupe, nous savions dès 2006 que le système était voué à l’échec. Il était encore temps de remettre en place une nouvelle organisation pour se préparer à 2008. Seule une faiblesse de gouvernance peut justifier de n’y avoir rien changé.

L’enjeu provoque une expectation qui prédispose à la victoire ou à l’échec. La confiance se nourrit du succès passé et libère les énergies. Mais il peut aussi par excès abaisser la vigilance. Face à l’échec, le groupe réagit soit par la peur ou l’angoisse si l’enjeu s’avère décisif, soit par l’agressivité si l’orgueil est atteint. Ces comportements sont nuisibles à l’efficacité. Dans le dernier match par exemple, dans un sursaut d’orgueil, l’équipe prend des risques inconsidérés qui conduit un des joueurs à commettre une faute irréparable et son exclusion, condamnant du même coup toute chance de succès du groupe. La confiance se nourrit non pas de l’espérance mais de la conviction du geste juste et de la maîtrise des combinaisons.

Pas de confiance sans idéal

La vraie confiance se gagne en faisant abstraction de l’enjeu et en se concentrant vers la recherche d’idéal en produisant à la perfection la partition mille fois répétée.  L’idéal est pur et sans freins. Il prend pour juge non pas le résultat, mais le comportement. Il transcende l’ego pour l’intérêt du groupe. Il défend les valeurs de fierté d’appartenance, du beau et du grand. A l’ère de l’argent facile, on se concentre trop sur l’enjeu, et pas assez sur les comportements. Le comportement commence sur la pelouse ou transparait la fierté d’appartenance, au sourire, à la joie de représenter tout enfant qui aimerait porter ces chaussures. L’idéal transcende le groupe et met le feu à tous les fans qui vont nourrir la confiance du groupe.

Pas d’idéal sans générosité

L’idéal sous entend de faire abstraction de soi-même pour se consacrer à la tâche comme pour un sacerdoce. «Si l’on n’a pas tout donné, alors on a rien donné». Attaqué par tous les média, le groupe s’est retranché dans une prison dorée, sans vouloir donner à ceux qu’ils représentaient. On ne réussit pas de grands projets sans rejeter ses ambitions personnelles.

Conclusion

A l’ère du jugement sur le succès et l’argent facile, ce psychodrame remet au goût du jour les vraies valeurs du management, à savoir le courage de prendre des décisions difficiles et de les assumer, de donner la confiance sur des échéances suffisamment longues. Les enjeux pour exalter la noblesse de cœur ne portent pas simplement sur les résultats qui ne sont que la conséquence des choix collectifs, mais sur des valeurs seines d’appartenance, de beauté, de grandeur et d’abnégation de soi. C’est à ce prix seulement que l’unité sera retrouvée.

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